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LE VIGNERON DANS LA VIGNE

Je remue la tête, j’ouvre la bouche et mes yeux se ferment quand il désespère ou que la note du pharmacien remonte. Tantôt mes narines se pincent aux mots « sinapisme, pointes de feu », et tantôt je change d’oreille.

Certes, mon attitude hypocrite me fatigue ; je me donne du mal afin de le tromper, et s’il me fallait répondre, tout serait perdu.

Mais il va, sans que je le pousse. Il continue de chuchoter ses peines ; il se répète et, pour un détail oublié, il recommencerait, car son existence n’est plus une vie.

Qu’il gémisse donc et se soulage ! Charitable, fier de me dévouer, je ne l’arrêterai pas, dussé-je geler sur pied dans le courant d’air.

Aussi, je tombe brusquement comme d’une branche, et je balbutie, quand le malheureux frère me dit avec amertume :

— Pardon, mon pauvre Éloi, je vois bien que je vous ennuie avec ma sœur !