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le verre d’eau

le col de son manteau de fourrure. Sa gorge nue se mouvait, au double émoi du cœur et du souffle. Elle entra, dis-je, et murmura d’une pauvre voix, sous mes baisers :

— Je n’aurais pas dû venir ! Ah ! je n’aurais pas dû !… C’est fou ! C’est d’une imprudence !…

Et Elmina ne regardait rien, rien de tout ce que j’avais ordonné avec tant d’amour afin d’en réjouir ses yeux.

Je la poussai doucement jusqu’ici… (Et le carafon put refléter dans son cristal la grâce incomparable d’Elmina… Et peut-être que le Diable s’est mis à rire, à ce moment !). Mais elle, serrant de ses petites mains crispées son lourd manteau, m’empêcha de le lui ôter.

— Non ! Non ! disait-elle (mais si troublée ! si follement tremblante, — et hagarde !) Non ! J’ai trop peur. J’ai peur ici ! Jésus ! pourvu qu’on ne m’ait pas suivie ! Si mon mari se doutait… Oh ! j’ai peur ! Que j’ai peur, mon Dieu !

Elle gémissait. Elle allait pleurer. J’étais consterné. Je voulus l’entourer de mes bras ; mais je sentis alors tout son être craintif se contracter dans une retraite immobile ; et, désespérés, mes bras s’éloignèrent de l’intangible, de l’inabordable Elmina !

Ce n’est pas, cependant, que je perdisse tout espoir. L’usage de l’amour m’avait dès longtemps informé du tempérament des femmes.