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le carnaval du mystère

Je savais par expérience que plus d’une se comporte ainsi, dans l’occasion d’un premier rendez-vous.

Mais je dus bientôt reconnaître que la terreur d’Elmina ne céderait ni à mes plaisanteries ni à mes supplications.

Que craignait-elle, enfin ? Elle ne savait pas. Écoutez-la plutôt se lamenter :

— Ce que je fais est mal. J’ai horreur de moi-même. Jean (ainsi se nommait son mari), Jean est si bon ! Je serai punie, — oh ! je le sens bien ! — oui, je serai punie ! Je le suis déjà. J’ai si peur ! De quoi ? De rien. De tout. J’ai conscience d’une fatalité, comprenez vous ?… Il y a quelque chose ici, — quelque chose d’affreux… J’ai commis une faute irrémédiable… Ah ! je n’échapperai pas à mon sort ! C’en est fait ; Je suis perdue. Cette équipée aura des suites incalculables, j’en suis sûre !

Et moi, dépité, je me disais (je me dis encore aujourd’hui) qu’elle se montait la tête ; qu’elle était abominablement souffrante ; que ce n’étaient là que des imaginations de petite femme dominée par ses nerfs…

Certes, je me dis cela aujourd’hui encore… (Et pourtant, ne sais-je pas, aujourd’hui, que le carafon de cristal, si indifférent qu’il pût paraître, était là, sur la commode, auprès du verre vide ? Et jamais serpent embusqué fut-il aussi redoutable ?)