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la main morte

Petit garçon vêtu de noir, maigre et rêveur, j’errais souvent à ma guise dans la maison silencieuse que mon imagination sans frein repeuplait de maternités. Je recherchais avec une sombre frénésie tout ce qui pouvait évoquer la présence illusoire de ma mère. Ainsi, trompant la surveillance distraite des bonnes, il arriva que je m’introduisis dans la chambre de mon père et que j’ouvris le tiroir aux reliques, dont l’existence m’était inconnue.

Une main blanche attira mon attention. Je me rappelle le bouleversement profond, le tumulte violent que je ressentis, à la vue de cette main coupée, blafarde, qui était celle de ma divine, de mon adorable maman.

Je n’étais qu’un enfant. J’ignorais ce que c’est qu’un plâtre. Il m’était impossible de comprendre que mon père avait fait mouler, sur le lit mortuaire, la main de sa compagne. Cet objet mystérieux me glaça d’épouvante et de volupté. Une terreur étrange, incomparable, faisait battre mon cœur à grands coups. Mille émotions diverses bousculaient ma pensée. J’aurais été fort incapable d’analyser ce chaos pathétique, où je démêle à présent tout ce que peuvent engendrer dans un esprit impressionnable les idées enchevêtrées de cadavre, de mutilation, de revenants, de pièce anatomique, de survie, de cimetière et d’au-delà.

Longuement je considérai, sans y toucher,