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le carnaval du mystère

tation, je sentais bien que cet homme n’était pas jugé comme il le méritait, puisque ses œuvres, dix fois relues, ne cessaient de m’ap­paraître nouvelles et remplies d’innombrables significations.

Arnoldson vivait seul, servi par la vieille Nora. Telle était mon impatience de le revoir, que je me rendis chez lui au débarquer, ayant à peine recouvré l’aspect d’un honnête citadin.

Je sonnai. Nora vint m’ouvrir. Je fus d’abord frappé de sa gravité, de son air soucieux. Mais la vieille femme me reconnut et elle fondit en larmes avant que j’eusse prononcé la moindre parole.

J’étais à la fois stupéfait et consterné. Je ne comprenais pas. Cependant Nora, retenant ses sanglots et ne pouvant parler, me fit signe de la suivre, en femme qui s’excuse d’être si trou­blée et qui voudrait tant contraindre sa détresse. Je traversai donc le vestibule à sa suite, per­plexe, interloqué, mais n’osant pas l’interroger. Au surplus, j’avais l’impression confuse que Nora me croyait au courant de ce malheur mystérieux qui m’était révélé par son seul désespoir.

Elle s’effaça pour ouvrir la porte du cabinet de travail.

Arnoldson, assis à sa table, se leva et se tourna vers moi. Dieu merci, il vivait !

Nous nous embrassâmes et, tout de suite,