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le carnaval du mystère

damné à la peine capitale, il subit son sort en mai 1921.

Or, au début du mois suivant, le bruit se répandit dans le canton de Montavert que la ferme de Baslieu était hantée. Dorignot racon­tait à qui voulait l’entendre que, la nuit, par­fois, des gémissements sinistres s’élevaient tout à coup, traînant dans les ténèbres une déses­pérance. Sa femme, sa vieille mère en étaient bouleversées ; elles ne pouvaient plus dormir et parlaient de quitter les lieux. Croyant d’abord à quelque mauvaise plaisanterie, le fermier s’était mis en embuscade, un bâton à la main ; et il avait aperçu au bord de l’étang, glissant avec lenteur dans l’allée de marronniers, une blanche forme humaine que son approche avait dissipée.

Le pire, c’était que ce spectre ne fût pas celui de la victime, faible créature sans perfidie. Dorignot et les deux femmes reconnaissaient sans erreur possible la voix plaintive ; c’était celle du meurtrier. L’aventure maudite s’en trouvait plus menaçante. Aussi, peu d’hommes se risquèrent-ils à venir constater la présence nocturne du fantôme. On en compta deux, en tout et pour tout, avant la tragédie qui dénoua l’énigme ; c’étaient des journalistes ; ils vinrent, l’un après l’autre, entendirent le funèbre lamento, aperçurent la blancheur qu’ils poursuivirent autour de l’étang, et, pour finir,