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Page:Renard - Le carnaval du mystère, 1929.djvu/174

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le carnaval du mystère

pour critiquer cette peinture. Elle me paraît fort remarquable. Mais je dois vous avouer que… elle m’impressionne, môssieu, d’une façon tout à fait singulière.

— En quoi donc, monsieur Liserot ?

Le petit bonhomme propret regardait la toile. Les mains croisées derrière le dos, un peu voûté dans ce pardessus noir qu’il ne quittait jamais, il levait vers le paysage sa tête d’oiseau et ses yeux bleu clair que l’âge embuait.

— Où est situé cet endroit ? me demanda­-t-il avec une espèce de curiosité anxieuse.

— Je n’en sais, ma foi, rien, monsieur Liserot. J’ai acheté ça chez un marchand de la rue de Tournon. Ça m’a tiré l’œil, à cause de l’« atmos­phère »… C’est signé d’un nom illisible, probablement inconnu. Je suppose que ça représente un coin de Savoie…

— Ah ! fit gravement M. Liserot, enfoui dans une sombre méditation.

Je le considérai avec étonnement.

— Cela vous rappelle quelque chose ? lui dis-je. Auriez-vous passé par là ?

— Voilà précisément, môssieu, ce que je ne m’explique pas.

Il me montra ses prunelles d’azur trouble, agrandies par l’incompréhension.

— Je n’ai jamais quitté Paris, môssieu. Paris ou la banlieue. Et pourtant, voici un paysage qui me cause une émotion violente…