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le carnaval du mystère

tard, obsédé par la pensée du papillon et m’imaginant percevoir, en dépit de la porte close, le tremblement convulsif de ses ailes.

À l’aube, j’étais assis dans mon lit, baigné de sueur, écoutant l’insupportable murmure. Je ne pouvais plus l’endurer…

Lentement, avec mille précautions, j’ouvris la porte… J’avançai à pas feutrés vers la table… Maître Jacobus reposait paisiblement. Je sur­ veillai son visage endormi où les deux yeux fermés supprimaient momentanément le témoi­gnage de son infirmité…

C’est ainsi que, tout à coup je vis quelque chose s’abattre sur son œil droit et la silhouette d’un grand papillon sombre se plaquer brusque­ment à la place de cet œil… Un cri terrible retentit.

Dressé, fou de douleur, mais ne sachant encore quelle sorte d’ennemi venait de l’attaquer, maître Jacobus fut, pendant une seconde, la représentation de l’horreur. Je le vis et je le vois encore, le temps d’un battement de cœur, hurlant, affreux et fantastique, avec, en pleine orbite, ce papillon de mort qui, à force de téna­cité, était parvenu à prendre son vol, emportant avec lui la longue épingle de son martyre, et qui, épuisé, venait de s’abattre au hasard, sur son bourreau, en lui crevant cet œil dont la perte le privait à tout jamais de la lumière.