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le papillon de la mort

détruit ; aussitôt, l’essaim tout entier s’exile pour toujours… Regarde sa trompe.

Du bout d’une aiguille, maître Jacobus fouilla sous les mandibules du sphinx atropos et déroula la spirale noire d’un appendice inter­minable. Le papillon produisit alors une sorte de petite clameur, un étrange appel furieux et plaintif qui, malgré sa faiblesse, me fit tres­saillir. Je ne savais pas cela. Je ne croyais pas qu’une phalène pût crier, si peu que ce fût. Maître Jacobus s’amusa de mon effarement. Il agaçait sa victime de la pointe de son aiguille, et dardait sur elle le regard féroce de son œil droit.

J’avais hâte d’être dehors. Je me dépêchai d’avaler un quignon de pain et une tranche de munster. Après quoi nous sortîmes, et je pris ma première leçon d’apiculture pratique,

Quand le soir tomba, j’avais oublié quelque peu le sphinx atropos. Mais le bourdonnement funèbre n’avait pas cessé ; au sein du silence vespéral, il prenait même une ampleur redou­table et s’accompagnait de grincements qui me causaient un malaise des plus pénibles. Cette agonie pouvait durer longtemps, deux jours, trois jours ; j’espérai pouvoir l’abréger sans que rien ne trahît mon intervention.

Maître Jacobus, qui couchait tout bonnement dans la grande salle, m’avait affecté la cham­brette voisine. Je ne m’y endormis que très