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le carnaval du mystère

plutôt, qu’ai-je donc de si effrayant, pour que vous me regardiez ainsi ?

— Monsieur, murmurai-je éperdu, monsieur, vous êtes, ce me semble, plus grièvement atteint que vous ne le pensez…

— Que voulez-vous dire ? Ah çà, l’un de nous déraisonne ! Morbleu ! je sens bien…

— Mon frère, lui dis-je d’une voix faible, c’est la fièvre qui vous fait délirer…

— Par le Christ ! s’écria-t-il. Je vous affirme que d’ici trois semaines je me porterai mieux que vous !

Je défaillais, et dis encore :

— Par ce même Christ que vous invoquez, je vous adjure de vous réconcilier. Si je m’abuse sur votre état, qu’il me pardonne ! Au surplus, saurait-on refuser de causer avec Dieu, même sans être meurtri ?

— Soit ! fit le blessé avec une expression de visage où le respect le disputait à l’ennui.

Je voyais bien qu’il avait tendance à me railler, mais qu’il s’efforçait de se surmonter.

Je m’approchai de lui davantage. Et il commença bien sagement à s’adresser au Juge à travers son ministre.

Mais plus que ses paroles, — je m’en accuse ici, Seigneur ! — j’entendais, mêlée au bruit des mousquetades et des appels lointain, parmi les rumeurs et les souffles, la respiration de l’autre, qui perdait patience…