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l’homme au couteau

faire ?… Je dus me résoudre à pounuivre ce que j’avais entrepris. J’étais tremblant, sans forces, plus pâle que les blessés sur qui je m’in­clinais, ne pouvant plus que balbutier encou­ragements et oraisons, tâchant surtout à cacher derrière moi l’exécuteur qui attendait que j’eusse absous pour dépêcher à Dieu une âme près une autre !

C’est ainsi que j’atteignis lentement une espèce de niche creusée dans la terre, où, la cuirasse bosselée, le jabot déchiré, un bras soutenu par son écharpe sanglante, un officier croate se tenait affaissé.

Un sourire lui vint aux lèvres lorsqu’il m’aperçut, le crucifix à la main ; et je reconnus en lui certain baron qui, deux ans plus tôt, avait accompagné à la cour l’envoyé de Croatie.

— Eh ! fit-il d’un ton presque joyeux. C’est vraiment Dieu qui vous envoie, monsieur l’abbé. Soyez le bienvenu ! Je n’ai qu’une balle dans le bras et une autre dans le pied, mais qui me font diantrement souffrir ; et si vous pouvez me procurer un brancard, ou simplement me soutenir…

En disant ces mots, le malheureux essaya de sé lever… Je le repoussai non sans vivacité à l’intérieur de la niche, d’où il ne pouvait voir mon redoutable compagnon.

Le cœur me battait à grand coups.

— Qu’avez-vous donc, monsieur l’abbé ? Ou