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LE VERRE D’EAU


La nuit s’est avancée pendant que j’écrivais. Je n’ai pas entendu la vieille servante pénétrer religieusement dans mon studio. Je ne l’ai pas vue, non vraiment, poser la lampe près de moi et clore sur la fenêtre obscurcie, sur les bruits de la rue, l’étouffoir des rideaux. Me voilà émergeant de mon travail comme d’un monde merveilleux dont l’enchantement se dissipe avec lenteur. Et peu à peu le paysage de ma fantaisie, le site où je viens de vivre des aventures étonnantes, se dissout, pour laisser reparaître les vraies choses en leur exacte réalité.

L’ombre baigne à demi cette chambre basse que j’ai meublée à mon goût, cette chambre peuplée d’objets fidèles, où je me trouve chez moi comme une pensée dans un cerveau. Voici, noyés de pénombre, mes livres bien rangés, muraille sans ciment, aux briques amovibles ; voici, tout au fond, le divan des siestes, des