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Page:Renard - Le carnaval du mystère, 1929.djvu/84

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le carnaval du mystère

étrange frayeur enfantine. Autrefois, sur mes instances, c’était à moi que ma grand’mère laissait le soin de sonner ses gens. Monté sur un tabouret, j’étais fier de saisir, de mes deux petites mains, le gland qui crissait, et de provoquer dans le lointain des aîtres cette musique tintinnabulante qui faisait accourir, dans telle ou telle chambre, Barbe ou Clémentine, Dominique ou Constant.

À cette époque dorée, ma grand’mère entretenait un train de six domestiques. Chacun d’eux venait aux ordres selon le nombre des coups de sonnette. Il m’arrivait donc d’avoir à sonner six coups de suite (c’était, il m’en souvient, pour la cuisinière). Mais, un jour, il m’échappa :

— Et si je sonnais sept coups ?

— Si tu sonnais sept coups, me dit ma grand’mère qui ne badinait pas avec l’éducation, c’est le Diable qui viendrait, pour t’emporter !

Le Diable ? J’en restai tout interdit. Et jamais, malgré de fréquentes envies, malgré de terribles tentations, jamais je n’avais eu l’audace de sonner les sept coups redoutable, persuadé qu’au septième, Satan serait sorti de la cheminée pour m’entraîner aux Enfers.

Or, ce soir-là, ce soir de détresse et de désespérance, l’idée baroque me vint de jouer avec mon ancienne terreur, d’enfreindre la puérile défense de feu ma grand’mère. Un sourire,