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LE BROUILLARD DU 26 OCTOBRE

n’avons pas bougé dans l’étendue. Voyez plutôt. »

Le brouillard s’illustrait davantage. Assez bas relativement, il pesait toujours sur les choses comme un plafond nébuleux ; mais, dans les autres dimensions, le paysage se déclarait à merveille. Et l’on en voyait suffisamment pour reconnaître la conformation approximative du coteau de Cormonville, avec par ici sa banquette en surplomb, et par là son ravin, dont la plage antédiluvienne épousait la courbure. Plus de doute : un caprice anachronique de la nature nous permettait de contempler la Marne dans son aspect de la préhistoire. Ces chênes, ces érables étaient les premiers chênes européens, les premiers érables français ; et cette vigne — ô charme attendrissant ! — était la première vigne de Champagne !…

Ce fut, je crois, à cet instant, qu’un horrible cri déchira la nuée au-dessus de nos têtes. Nous levâmes les yeux, sans rien surprendre de plus que l’évasion d’une ombre volante et majestueuse. Je ne pus comprendre pourquoi ce cri m’avait bouleversé au point de