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LA GLOIRE DU COMACCHIO

— « J’étais fou ! » repartit Cesare. « Vil et fou, de briguer les suffrages de ces cagots libertins ! Ils me font horreur. Sortis des priapées et des moineries, à quoi sont-ils bons ? À régler un pas d’armes, courir le taureau, lancer le dard et suivre les préceptes de Baldasare Castiglione, pitoyable codificateur du bel usage !… Notre cour ? Une troupe de comédiens. Leur vie, leurs baptêmes, leurs noces ? Des représentations mythologiques ! Entre temps, le cardinal est dans sa vigne, entouré de filles, à manger des sorbets ; le gentilhomme s’installe chez le maître d’armes ; et s’ils en sortent, où se rencontrent-ils ? Dans la boutique de l’orfèvre !… Ah ! je voudrais leur cracher mon âme à la face ! »

Le château ducal, énorme masse carrée, citadelle isolée par une ceinture d’eau, les couvrait de son ombre. Cesare cracha dans le fossé.

— « M’ont-ils assez raillé dans leurs pantalonnades, quand je souffrais, humilié, trahi, mais ravalant mon fiel dans l’espoir que les lauriers allaient fleurir !… Ah ! tête et sang ! Les lâches ! »