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LA CANTATRICE

ma vue inopinée, je l’apostrophai à distance et m’annonçai joyeusement.

Il n’en frémit pas moins sur son rocher comme un cyprès dans un coup de vent.

Borelli semblait en contemplation devant la mer nocturne. Un noble manteau le drapait de romantisme. À ses pieds, des objets diffus s’étalaient.

— « Vous ne me direz plus que vous n’aimez pas Amphitrite ! » m’écriai-je sur un ton de badinage. « Venir à pareille heure pour l’admirer… »

— « Et puis après ? » gronda-t-il. « Ça vous regarde, ça ?… Oui, j’aime la mer, mais pas tant que la solitude, figurez-vous ! »

Je m’étonnai de l’entendre s’exprimer trop haut, d’une voix qui dominait l’assemblée des vagues, alors que j’étais si près de lui. J’en accusai sa colère. Il me dit à brûle-pourpoint :

— « Pourquoi n’osez-vous pas m’interroger à propos de ce qui est par terre, à côté de moi ? »

— « Mais… » répliquai-je démonté, « je n’y pensais même pas… »