Page:Renard - Sourires pincés, 1890.djvu/80

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sans oser se retourner, se rapprochait insensiblement, au moyen de légères oscillations de hanches, n’entendait plus rien. Son attention était à ce point surexcitée que ses oreilles lui semblaient matériellement se creuser et s’évaser en entonnoir ; mais aucun son n’y tombait. Il se rappelait avoir éprouvé parfois une sensation d’effort semblable, en écoutant aux portes, en collant son œil à la serrure, avec le désir d’en agrandir le trou, et d’attirer à lui, comme avec un crampon, ce qu’il voulait voir. Cependant il l’aurait parié, Violone répétait encore :

— « Oui, mon affection est pure, pure, et c’est ce que ce petit imbécile ne comprend pas ! » —

Enfin le maître d’étude se pencha avec la douceur d’une ombre sur le front de Marseau, l’embrassa en le caressant de sa barbiche comme d’un pinceau, puis se redressa pour s’en aller, et Véringue le suivit des yeux glissant entre les rangées de lits. Quand la main de Violone frôlait un traversin, le dormeur dérangé changeait de côté avec un fort soupir.

Véringue guetta longtemps. Il craignait un nouveau retour brusque de Violone. Déjà Marseau faisait la boule dans son lit, la couverture sur ses