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POÉSIES INÉDITES.


Pointes Sèches

La Sauterelle


Grand comme le mouchoir d’une poche petite,

Le pré, fraîchement vert, se réveille et s’agite.

Dans l’herbe, par les brins, le vent coulis sournois,

Comme un jeune ténor, donne toute sa voix

Et fait couler des pleurs du cœur des digitales.

Une fleur en un coin écarte ses pétales.

Mainte mouche refait l’or de son aile, éteint :

Cependant que, déjà soigneuse de son teint,

Pour passer la rosée et sauter les limaces,

La sauterelle va grimper sur ses échasses.


La nappe


Sur la tache de roux qui glace chaque branche,

La neige avec lenteur pose une tache blanche.

Les moineaux ont crié : "J’ai faim", sur tous les tons.

Ils regardent, transis, la chute des flocons.

Le jardin, poudré blanc, se fond avec la plaine.

Où sont les blés tout près du nid ? Pour une graine

Que ne chanteraient-ils pas ? Et le plus petit

Grelotte. Tous en chœur disent leur appétit,

Tandis que sans pitié la neige les attrape,

Ironique, et leur dit : " Moineaux, je mets la nappe ! "