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JULES RENARD.


La rainette


A l’heure grise, c’est le tour de la rainette :

Et sa chanson toujours la même, lente et nette,

De buissons en buissons, va mourir jusqu’au pré.

On ne distingue plus qu’un nuage empourpré.

Le bois, las de frémir, va prendre un bain de lune,

Et les voix des oiseaux se taisent, une à une.

Les joncs laissent toucher leurs pointes, désarmés,

Et, dans l’herbe touffue aux mille bruits calmés,

Grisé d’odeurs, parmi les fleurs de toute sorte,

Grave, le grillon noir écoute sur sa porte.


Fac et Spera

Il fait chaud et le chou s’ouvre comme une rose.

Les petits pois aussi vont bien. Il se repose.

Il a soif et boit à même la cruche d’eau.

Des perles de sueur lui perlent sur la peau.

Autour de lui tout croît, tout fleurit et tout germe.

Toutefois il lui faut encor travailler ferme :

C’e£t l’heure de la chute oblique du soleil.

Il se remet à l’œuvre, avec ardeur, pareil

Au petit homme nu qui bêche un coin de terre,

Sur chaque elzévir blond, édition Lemerre.


Les poissons

Tout fier d’avoir si bien, sous le flot de la vanne,

Lutté, le nénuphar se dresse et se pavane.

Un vieux saule, depuis la tête jusqu’au pied,

Se voit, en se courbant, trait pour trait copié.

Le bassin, où le ciel s’est pris comme en un piège,

Semble un miroir classique ourlé d’un peu de neige.