Page:Renard Oeuvres completes 1 Bernouard.djvu/188

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Il se hâtait d’en finir, et, quand il avait achevé sa teille, il prenait une des petites lampes rangées sur la table et sortait en faisant sonner sur les pavés de la cour ses gros souliers ferrés.

Le grand-père, maigre et soigné, séparait avec minutie, et sans en rien perdre, la chènevotte de toute son écorce.

Il se penchait fréquemment en arrière sur son escabeau. Puis il éloignait de ses yeux, pour bien voir, la filasse de chanvre qu’il agitait comme une belle chevelure blanche.

Le bourgeois et la bourgeoise teillaient ardemment, avec habileté, et Marguite ne tournait la tête que pour crier :

— Taisez-vous donc, José !



II


José était un moissonneur du village voisin. Grand, desséché, bêta, il riait toujours, de tout, avec tout le monde, avec les bêtes, avec lui. De plus, oscillant et déhanché, il semblait marcher autant avec le torse qu’avec les jambes. Un jour qu’il s’en revenait des champs, il aperçut Marguite sur la route. Elle avait sous le bras un parapluie à carreaux rouges et bleus attaché avec un cordon blanc.

De ses deux mains, le corps légèrement arqué en arrière, elle retenait par une ficelle un délicieux goret, un tout mignon petit cochon qui trottait par soubresauts sur ses trois pattes libres.