Page:Renard Oeuvres completes 1 Bernouard.djvu/200

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Husson, l’ayant rencontré dans un fossé, en quête de marguerites blanches, l’avait fait monter à son côté pour un bout de route.

— Ce n’est pas de refus.

Le docteur descendit.

Husson détacha le petit veau et tous les trois entrèrent dans le pré. Husson ouvrait la marche, traînant le veau. Le docteur tournait autour d’eux, regardait le flanc gauche de la bête, penchait la tête, avec une vague envie d’y coller son oreille.

— Vous ne fumez pas, docteur ?

— Rarement, Husson.

— Si je vous la prêtais, pourtant ?

— Point, Husson, je ne fumerais pas.

— Vous auriez tort. Aïe donc, vali !

Le petit veau roux accéléra.

— Ah ! vous êtes méprisant pour ma pipe ; vous ne savez donc pas ?…

— Dites tout de même, Husson.

— Un jour que je l’allumais avec un tison rouge, une étincelle est tombée sur une de nos servantes qui tirait des pommes du feu. Ça a brûlé son bonnet et ses cheveux.

— Voyez-vous ça ! dit le docteur. Et elle est morte ?

— Mais non, docteur. Une autre fois, mon berger dormait sur le dos, couché par terre. Un peu de cendre chaude a coulé de la pipe sur son œil gauche qu’elle a crevé.

— Tiens, voyez-vous ! dit le docteur. Et il est mort ?

— Mais non, docteur. En voilà, des idées d’enterrement pour le pauvre monde !

Le docteur trouva qu’on aurait pu anéantir cette pipe fatale.