Aller au contenu

Page:Renard Oeuvres completes 1 Bernouard.djvu/201

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Mais Husson la bourrait, tout à ce travail ; son pouce piétinait le tabac, La pipe, informe, presque sans tuyau, protonde, absorbait tout : plus il y en a, meilleur c’est.

— j’la garde, dit-il, parce qu’elle ne fait pas de mal à son maître ; elle n’en veut qu’aux autres. Aïe donc, vali !

Le petit veau roux sauta comme une chèvre.

Ils marchaient toujours. Le docteur passait l’autre flanc du veau à une inspection sérieuse. Husson, les deux mains derrière le dos, déroulait au-dessus de sa tête de fragiles écharpes de fumée grise.

— Si on le lâchait ?

Le petit veau lâché demeura immobile, fit un mouvement de la tête, la secoua, se sentit libre, eut une gambade et partit à toute vitesse, les pattes jointes deux à deux, ainsi qu’un veau mécanique. Il décrivit un demi-cercle, puis soudain se planta droit, comme si son ressort se fût cassé net, le museau tendu, les jambes obliques, la queue raide.

— Ça te prend souvent ? cria Husson.

— Tiens, du feu, dit placidement le docteur.

Husson se retourna.

Tout le bas de la grande meule flambait.

Il courut : le docteur suivit. Le petit veau s’élança.

— Ce ne sera rien, dit le docteur.

Et, son chapeau mou aux mains, il trottait aux rigoles pour l’emplir.

Le feu pétillait et montait.

Husson, les yeux agrandis, hébété, n’avait plus sa tête à lui, ne tentait rien pour éteindre.

Il pensa :

— Ma paille est frite.