Page:Renard Oeuvres completes 1 Bernouard.djvu/231

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passer, nues ou largement drapées, et se le montraient l’une à l’autre avec un doigt cassé. Sous l’immense voûte le son des pas lui parut démesuré. Quand un valet rigide ouvrit les portes d’une salle, que les glaces et le parquet luisant multipliaient avec régularité, il eut une impression de froid.

Vraiment, on ne devait pas crier ici comme ailleurs. On y courait autrement, avec le moins de bruit possible, et tout semblait mystérieux.

— Vous pouvez jouer, dit Marthe.

Et elle lui montra des jouets compliqués, finement peints, des jouets merveilleux, qui n’étaient pas cassés.

— Et vous ? dit Jac.

— Oh ! moi, je suis trop grande. C’était pour quand j’étais petite fille, il y a longtemps. Elle disait cela sérieusement, le teint pâle, avec, dans tout son corps fluet, quelque chose de grêle et de souffrant.

Jac avait bien envie de s’en aller.

On lui apprit que désormais il resterait au château et qu’il serait le camarade de Marthe.

On lui donna un costume de velours et une chambrette mignonnement arrangée, d’où il pouvait voir, en se penchant, le balcon de Marthe, et, plus bas, presque au pied des tours, la rivière blanche couler dans les prés. Il eut la liberté d’aller partout à condition de ne pas quitter Marthe. Il devint un petit esclave, soumis à toutes ses fantaisies de despote débile, d’abord avec ennui ; mais, par degrés, il se fit à la monotonie qu’on s’imposait, au silence peu troublé. Il finit par aimer, un peu par vanité, ce château solitaire qui l’effrayait. Le parc, surtout, l’éblouit. Il avait des gazons menus et moelleux