Page:Renard Oeuvres completes 1 Bernouard.djvu/241

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Des berlingots poissaient à l’ombre d’un grand parasol rouge. Des chevaux de bois estropiés tournaient, solitaires. Au milieu des cris, des farces, des rires, des joies bruyantes, un couple se balançait dans une odeur de sucre brûlé.

Des campagnards, en dimanche, erraient, allègres, émerveillés, hâbleurs, ou bien s’éternisaient à distance des boutiques, dont ils se défiaient comme de voleurs, avec des regards longs et des réflexions mesurées.

Et, doucereusement, Héboutioux guidait Comtal.

— Tenez, par ici.

Une toile flottante se tendait sur des lunettes où, moyennant deux sous, on pouvait voir une apothéose après décès. Deux vieilles femmes marchandaient. Elles voulaient bien pour moitié prix. L’homme refusa poliment, mais nettement.

Elles pensèrent :

— Il est mal disposé ; nous reviendrons, il ne nous reconnaîtra point.

Elles s’éloignèrent de quelques pas, puis y retournèrent.

L’homme s’emporta :

— Se fichait-on de lui, par hasard ? Il était bien libre, dans son commerce, et maître de fixer ses tarifs.

Et d’un geste large, il les envoya à la balançoire.

Elles s’entêtaient.

— Il nous rappellera.

Quand ce fut au tour de Justine, Héboutioux rentra au cabaret. Il vit sa femme et Comtal se perdre dans la foule. Ses yeux luisaient dans sa figure couleur de bile.

— Il est pris, se dit-il, et, dans l’auberge qui ne