Page:Renard Oeuvres completes 1 Bernouard.djvu/245

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Héboutioux lançait des coups d’œil faux ; mais il se faisait gracieux avec effort. Sa bouche grimaçait.

Il lui vanta les plaisirs de la campagne, et Comtal rentrait courbaturé d’avoir regardé pendant des heures pailleter des goujons gris dans les nasses d’osier et les bouteilles vertes.

En un coin, près de la cheminée, sur une ardoise encadrée de bois blanc, “ la note à M. Comtal ” augmentait tous les jours.

De temps en temps, Comtal criait comme un enfant qu’on pince :

— Je veux m’en aller, je veux m’en aller.

Au fond il se sentait pagnote pour cet effort, et d’ailleurs Héboutioux, plein de flair, trouvait toujours à temps, pour le retenir, des inventions subtiles et des paroles alléchantes.

Cependant toute une procession défilait au cabaret ; on s’y donnait des rendez-vous pour le soir, après les travaux. Les paysans s’attablaient avec des airs mystérieux. Ils buvaient à petits coups et riaient sournoisement, sans ménager à Héboutioux les clins d’yeux qui avertissent, et les serrements de mains apitoyés.

— Il ne voyait donc rien ?

Et d’autres :

— Commode, le truc, pour faire aller les affaires.

Aux entrées de Comtal, on chantonnait :

— Tiens, voilà le compère.

Héboutioux payait d’audace :

— On le jalousait, il le savait bien. Qu’un bout de soleil se montre, les serpents affilent leurs langues ; mettre à la porte de bons voyageurs, alors ?

Il affichait Comtal. On les voyait, bras dessus,