Page:Renard Oeuvres completes 1 Bernouard.djvu/246

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bras dessous, braver les potins, comme des amis de naissance.

Cependant, d’une manière croissante, au teint de l’aubergiste montait comme un afflux une couleur de bile.

Justine se taisait, en femme docile qui n’a pas à se plaindre.

Le curé intervint.

— Il ne pouvait feindre une ignorance coupable.

Il lui montra des jeunes filles qui passaient :

— De tels tableaux les dévergondent.

Héboutioux se fâcha :

— C’est trop. Pour qui me prend-on ? Je les tuerais plutôt tous les deux, et moi après.

Le curé craignit un éclat et partit. Héboutioux s’épuisait en gestes extravagants, tout le corps frémissant comme pour secouer des hontes ; des larmes lui mouillaient les yeux et la voix.

— Vous avez oublié un souper sur l’ardoise, dit Comtal.

Un matin il annonça :

— Je pars ce soir.

Il l’avait souvent dit. Héboutioux voulut prier.

— Non, cette fois, c’est la bonne.

— Puisque vous êtes décidé…

Héboutioux courba la tête.

— Ces choses-là n’arrivent qu’à moi.

Justine ouvrait de grands yeux sur Comtal, Des paysans s’arrêtaient sans mot dire, comme si, revenus à des sentiments moins narquois, à l’approche du malheur, ils voulaient en prendre leur part en frères.

— Vous êtes bien décidé ? répéta Héboutioux en un ton d’homme qui met au pied du mur.