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JULES RENARD


Tâtonnant, il saisit le crochet de la porte. Au bruit de ses pas, les poules effarées s’agitèrent en gloussant sur leur perchoir. Poil-de-Carotte leur cria :

— Taisez-vous donc, c’est moi ! ferma la porte et se sauva, les jambes, les bras comme empennés, mais exsangues. Quand il rentra, haletant, fier de lui, dans la chaleur et la lumière, il lui sembla qu’il échangeait des loques pesantes de boue et de pluie contre un vêtement neuf et léger. Il souriait, se tenait droit, se pavanait dans son orgueil de héros enfantin, attendait les félicitations, et, maintenant hors de danger, cherchait sur le visage de " ses parents " la trace des inquiétudes qu’ils avaient eues.

Mais grand frère Félix et sœur Ernestine continuaient tranquillement leur lecture, et Mme Lepic lui dit, de sa voix naturelle :

— Poil-de-Carotte, tu iras les fermer tous les soirs !


II

Les Perdrix

Comme à l’ordinaire, M. Lepic vida sur la table sa carnassière. Elle contenait deux perdrix. Grand frère Félix les inscrivit sur une ardoise pendue au mur. C’était sa fonction. Chacun des enfants avait la sienne. Sœur Ernestine dépouillait et plumait le gibier. Quant à Poil-de-Carotte, il était spécialement