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JULES RENARD


n’osais pas vous le dire, mais, sans reproche, je commençais à trouver le temps long. Toutefois, on est bien éduqué, ou on ne l'est pas.

— Très bien, dit M. Repin ; alors, prenons le vingt-sept octobre, ça vous va-t-il ?

— Si ça me va !

Et le beau-père et le gendre approchèrent leurs verres de fine, en ayant soin de ne pas les entrechoquer, de peur d’en renverser des gouttes, M. Repin se tourna vers sa femme, et, le torse droit, la main gauche en grappin sur la cuisse :

— Bourgeoise, qu’est-ce que tu avais donc l'air de dire ? Voilà comme on arrange les choses : les simagrées ne servent à rien.

M. Gaillardon réclama l’honneur et le plaisir d’embrasser ces dames. Elles s’essuyèrent les lèvres, se levèrent avec minauderie et se placèrent sur un rang. M. Gaillardon commença la tournée. II termina par Mlle Marie, Elle fut obligée de le repousser, car il doublait sa part. Sa joue était d’un rouge écarlate tout neuf, à l’endroit où son beau-frère venait de l’embrasser.

— Ne vous gênez pas, qu’est-ce que va dire ma sœur ?

Emu, comme au jour de sa première communion, le fiancé chercha des mots d’excuses, puis, saisissant la main de M. Repin, il dit :

— Mon cher papa, merci.

Leurs têtes chauves se trouvaient à niveau. Qui était le " cher papa " ? Il eût fallu regarder de bien près. On s’y trompait. L’émotion gagna toute la société. M. Repin, désignant sa femme en larmes, disait :