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SOURIRES PINCÉS


le dominant de tout son buste de géante, et sa voix pauvre et honteuse de se faire entendre semblait une voix amincie entre ses dents comme par un laminoir.

— C’est honnêtement parlé, dit M. Gaillardon.

Il lui prit les deux mains et les serra avec vigueur. Elle se laissa faire, apparemment sans rancune, tant elle trouvait simple que la chance, un moment égarée de son côte, reprît le bon chemin pour aller ailleurs, vers les autres. Mme Repin céda la première.

— Si elle n’y tient pas, faut pourtant pas la forcer !

— Possible, elle est libre. Mais on ne peut toujours pas donner sa sœur à ce monsieur dont tu ne veux point, dis-voir, Marie ?

— Oh ! moi, répondit Marie, ça m’est égal. Faites comme vous voudrez, comme ça vous fera plaisir à tous.

— Sûrement, dit Mme Repin, si ce monsieur s’en retourne chez lui les mains vides, on va causer.

Monsieur Gaillardon approuva.

— Voyons, mon cher papa !

— Connu, dit M. Repin. On ne prend pas les mouches avec du vinaigre, mais je ne veux pas encore donner dans le panneau ; et, pour commencer, faites-moi le plaisir de ne point m’appeler : " cher papa ", du moins avant d’avoir tout réglé convenablement et solidement, cette fois. Voyons, parlons franc et le cœur sur la main. (Il levait et étendait sa main à hauteur de menton, les doigts joints, la paume en creux, comme si son cœur allait sauter dedans.) C’est bien ma fille cadette, Marie, la brune, âgée de vingt-deux ans, que vous me demandez en mariage ?