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Page:Renard Oeuvres completes 1 Bernouard.djvu/331

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JULES RENARD


Il fut bien surpris quand il tira, du fond d’une vieille feuillette où il cachait son argent, sa dernière pièce. Et ni l’un ni l’autre n’était mort, pas même la vieille. Mais c’est à elle qu’il s’en prenait, honteux de son imprévoyance.

— Oh ! tu n’en a plus pour longtemps, dit-il. Ça serait trop drôle si tu ne crevais pas la première. Seulement, il faut tout de même nous arranger jusqu’à la fin.

— Faisons comme tu voudras, mon vieux, dit la vieille humble et sournoise.

— Naturellement qu’on fera ce que je voudrai, chamelle, reprit le vieux. Voilà : avec de quoi acheter le pain de là soupe à l’eau, il nous reste encore la vigne et le petit champ de pommes de terre. Je ne veux pas les vendre ; ai vient du père, et c’est sacré comme la maison. Moi, je ne suis pas difficile à nourrir. Je prends la moitié de la soupe et le vin. Et toi, qu’est-ce que tu prends ?

— Alors, moi, je prends l’autre moitié de la soupe et les pommes de terre, dit la vieille.

— Mâtin ! tu gardes la belle part. Heureusement que j’ai perdu l’appétit. Vas-tu t’empiffrer, bougresse !

— C’est le cochon le plus gras qu’on tue d’abord, remarqua la vieille. Le bon Dieu va bientôt me rappeler.

— Le diable t’entende, jument !


II


D’humeur chagrine, il la bourrait tout le jour, sans cesse étonné de la trouver là, sous son nez, dans ses jambes et dans son lit, inutile. Après qua-