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Le Coureur de Filles

à Alfred Valette


I


Parce qu’il venait d’achever ses cinq ans, Pierre Leroc se croyait homme, c’est-à-dire libre, le soir, après le travail, de sortir seul, de jouer aux cartes en prenant quelque chose, en racontant des souvenirs du régiment, et de rentrer tard, à l’heure où les chiens, qui sont enragés, courent par les rues désertes, cherchant des os, la queue arquée entre les jambes. Doux au fond et docile, il n’avait guère que ce défaut de vouloir faire l’homme, non seulement avec ses deux sœurs timides et simples, mais encore avec son père et sa mère, parents terribles. La mère l'avait prévenu tout de suite :

— Je ne veux pas que tu quittes la ferme après la soupe.

— Mais, maman, qu’est-ce que je fais ? Je ne fais rien, moi !

— Prends bien garde, ou je te donne une calotte !