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JULES RENARD

Une calotte ! Pierre haussait les épaules. La Griotte, comme on appelait sa mère, du nom de la cerise à courte queue, n’avait pas changé pendant son absence. Elle semblait toujours aussi aigre, et même aussi bonne qu’auparavant. Elle aimait ses enfants d’une manière bizarre, méchante et dure le plus souvent, mais toute en pleurs dès que son fils écrivait :

" J’ai couché cette nuit à la salle de police " et dès que l'une des deux sœurs se faisait venir le sang au bout du doigt d’une brusque piqûre.

— Mais, maman, je ne suis pourtant plus un gamin !

— Tais-toi donc, nez mou ! Je te défends de courir le guilledou. M’entends-tu ?

A ces mots, les deux sœurs, en train de coudre avec application près de la fenêtre, les joues caressées, au moindre coup de vent, par les langues des géraniums qui se penchaient, élastiques, baissèrent sagement les yeux, La Griotte s’en aperçut, et, comme elle avait dit une bêtise, elle s’en prit à Pierre :

— D’abord, grand vaurien, tu ne pourrais pas mieux te tenir, quand tes sœurs sont là ?

Sous ses sourcils rejoints ses yeux paraissaient en combustion. Elle tremblait, les poings fermés. Ses lèvres blanches rentraient dans sa bouche, comme si les pointes de ses dents, pareilles à des aiguilles, en eussent pincé, mordu et tiré les bords de l’intérieur, pour les réunir en un surjet solide. Allait-elle prendre un manche de balai ou une casserole ?

Les deux sœurs haletaient et manquaient deux points sur trois. Pierre répondit :