Aller au contenu

Page:Renard Oeuvres completes 1 Bernouard.djvu/342

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
250
SOURIRES PINCÉS


— Tu ne sais pas ce que tu dis, va, maman !

Il sortit et, ce soir-là, rentra plus tard encore que d’habitude.


II


Le père dut intervenir. C’était un homme d’une force extraordinaire. De ce qu’on l’avait vu abattre un bélier malade, d’un seul coup de pioche à la nuque, on avait conclu qu’il pouvait prendre un bœuf furieux par ses deux cornes et le retourner . sur le dos, simplement, comme une petite tortue de restaurant. Une autre fois, n’avait-il pas, d’une détente de jarret, cassé la jambe droite d’un de ses meilleurs amis ? Ces histoires étonnantes, peut-être fausses, se contaient aux veillées d’hiver, aux soirées d’été, au chant criard des rainettes, et intéressaient comme des légendes. Certes, son garçon Pierre, par sa haute taille et ses membres souples et solides comme l’érable, tenait visiblement de lui. Mais quelle différence ! D’abord, un fils n’est jamais aussi fort que son père.

Leroc se montrait surtout redoutable dans les discussions sur l’honneur, celui des filles et celui des garçons. Il s’enflait soudain, comme si une grande bouffée de vent eût soufflé, par ses veines, dans tout son être. On s’attendait à voir " gicler " des filets rouges de ses tempes battues par les violents afflux du sang. Ainsi les vers de terre sortent d’un sol humide, quand on frappe rythmiquement autour d’eux. Pour les fautes de libertinage, Leroc n’admettait qu’un seul châtiment : la mort.

Déjà il avait voulu tuer, à coups de revolver, une des deux sœurs injustement soupçonnée. Heureu-