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LI
PRÉFACE.


avait été ouverte non seulement par Huysmans, mais par Vallès avec l’Enfant et avec le Bachelier. Renard alla plus avant qu’eux dans le détail ; sinon, il n’eut fait que les recommencer, et il ne voulait répéter personne. C'est, dans l’omnibus, M. Vernet qui " ne descend pas de voiture avant qu’elle ne soit immobile. Mais une fausse honte, bien excusable chez un homme, l’empêche de a demander le cordon au conducteur pour lui seul ; il attend qu’une dame fasse arrêter, et profite de l’occasion. "

C’est Mme Vernet qui n’achète dans les magasins que " pour rendre, et peut-être parce que ce va-et-vient de paquets fait bien aux yeux de sa concierge. " Blanche aime Maurice parce qu’il range ses affaires en se couchant, parce que ses jarretelles noires empêchent ses chaussettes de tomber sur ses souliers, paire qu’il a des oreilles grandes comme des coquilles Saint-Jacques, une gueule d’or et des jeux jaunes pour mener les poules sur les chaumes. Pour n’être pas en reste, Maurice évoque le pied fade de sa maîtresse sortant du bain. Et cet art touche à la caricature en ce qu’il met en vedette les infinitésimaux du sentiment, en ce qu’il appuie sur d’infimes détails de notre complexion intérieure que dédaigne la psychologie académique. Il verse nettement dans la caricature lorsqu’il prétend expliquer tout un être humain, même le plus terne et le plus veule, par une tare physique ou par une manie morale. C’est là ce qu’il y eut d’apport naturaliste au talent de Renard, à ses débuts. On n’échappe jamais complètement à l’époque où l’on vit. Ce naturalisme, salé à l’humorisme qui le relevé assez souvent, les manifestations n’en sont point rares dans ses premiers livres, de Sourires pincés à Coquecigrues ; et il est curieux qu’on n’en relève aucune dans ses deux livres antérieurs : Crime de village et les Cloportes, qu’il écrivit spontanément, sans parti-pris d’école. Après quoi, il s’en fut au grand