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LXXVIII
PRÉFACE.


plus réussis, reste hors de discussion. Mais, fervent comme il l'était du menu détail et de la mise au point des grands sentiments, ne semble-t-il pas qu’il ait dû être, précisément, incapable d’exprimer des vérités générales ? Cette méconnaissance s’explique trop facilement par la disgrâce qu’encourt quiconque s’efforce, par esprit de soumission à l’objet, sans inutile et faux romantisme ou naturalisme, de parler posément des classes inférieures du Tiers-Etat, qui, du moins, étaient restées telles jusqu’à l'année 1914. A vrai dire, décrivant les paysans, Renard n’a exprimé, en particulier, aucune vérité générale, mais il en est une, et dont il avait conscience, qui illumine toutes les pages qu’il leur a consacrées, une vérité générale beaucoup moins acceptée qu’on ne serait tenté de le croire, et que M. de La Palice formulerait ainsi : " L’homme est partout le même. " Ni le romantisme d’hier ou d’aujourd’hui, ni le réalisme, ni le naturalisme, ni le régionalisme, ni le classicisme, ni le néoclassicisme, ne s’en est douté. L’un ou l’autre, par des moyens divers mais équivalents en grossièreté, a toujours prétendu nous intéresser à l’homme des champs parades artifices puérils, se faisant son barnum qui va jusqu’à un apitoiement de mauvais ton. Aucun de ces procédés chez Renard, qui laisse délibérément de côté mépris comme pitié, et qui, ayant découvert cette vérité générale, l’a exprimée, non pas en théoricien sociologisant, mais en artiste, nous laissant le soin de la découvrir. Enfin, il est le premier qui ait mis en parfait accord paysages et paysans, et qui, non seulement n’ait pas abusé de la description, mais l’ait mise au ton juste et nécessaire.

C’en est assez pour lui assurer une place très particulière, et de choix, non pas dans la littérature rustique ou rurale, qui ne devrait plus exiger, mais dans la littérature tout court.

Henri BACHELIN.