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RECUEIL INTIME

Oh ! doux oiseaux, pourquoi, dans le feuillage impur,
Etre venus déchoir de l’éternel azur ?
Par un rire infernal raillant vos épouvantes,
Des êtres au teint noir, sur vos lueurs vivantes,
Se sont rués. Adieu pour vous l’air et le jour.
Vous souffrirez beaucoup ; car l’homme est un vautour
Dont l’ongle sans pitié n’ignore aucun supplice.
De peur que par la mort votre éclat ne pâlisse
Et que, moins colorés, vous ne valiez moins cher,
On va vous embaumer vivants. Déjà le fer
Entre rouge dans vos entrailles. L’agonie
Vous convulse un moment. Hourra ! l’œuvre est finie.
Et maintenant allez cadavres de beauté.
Allez vers la splendeur et vers la volupté.
Le peintre vous fera resplendir sur l’épaule
D’un ange, devant Dieu s’inclinant comme un saule,
Ou, dans leurs nids d’amour, pleins d’un charme profond,
Comme un charme de plus, les femmes vous auront.

Oiseaux de paradis, légion solitaire,
Martyrs, vous figurez tout ce qui, sur la terre,
Reflète la splendeur pure du ciel sacré.
Victimes de l’amour qu’elles ont inspiré,
N’importe où ni comment, toutes les belles choses