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de l’agent avec le malheureux, dans un taxi, déconcertait assez pour qu’il constituât des petits groupes bavards, bourrés de commentaires tragi-comiques. Soudain, une grande femme qui avait tout vu et dont il ne soupçonnait pas l’existence, s’approcha et lui dit avec un fort accent anglais.

— Monsieur, voulez-vous que je crie à l’assassin ?

Athanase Sirup, devenu d’un coup blême comme un œuf, regarda la survenante avec épouvante.

C’était une admirable créature aux formes opulentes, vêtue avec somptuosité et qui portait dans le dessin de son visage une telle volonté, une si âpre décision, qu’un grand frisson passa sur l’échine du malheureux à nouveau menacé.

Il dit, s’efforçant de maîtriser une peur atroce.

— Que… voulez-vous… dire…, madame ?

Elle reprit, l’air grave et dominateur.

— J’ai bien vu que vous étiez l’auteur du crime et que tous ces gens qui croyaient à un accident étaient des imbéciles.

— Moi ? dit Sirup stupidement.

— Oui, vous !

Un silence naquit. Sirup et l’Anglo-saxonne marchaient côte à côte en réfléchissant. Enfin, il se décida à protester.

— Madame, vous vous trompez. Je suis…

— Taisez-vous, ou j’appelle ! On viendra, je vous dénoncerai et bientôt vous finirez tout à fait guillotiné.

Puis, avec un air de reine :

— Je crie à l’assassin si vous ne me suivez pas.

Il suivit…

Lorsqu’ils eurent traversé trois ou quatre rues, avenues, boulevards, la femme s’arrêta devant une maison neuve, d’apparence magnifique, dont une lampe à arc faisait reluire les faïences vertes, bleues, jaunes, rouges, qui parsemaient la façade, comme des raisins de Corinthe dans un plum-pudding.