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grade dans la Légion d’honneur. Le dallage de sa chambre était froid. Fichtre, qu’on doit donc être heureux quand on marche sur des tapis !

— Parfaitement, je vais m’installer voleur. J’ouvre un fonds de voleur et j’attends les clients !

Sirup mit en hâte ses chaussures. Elles avaient encore de l’élégance. Il avait ouï souvent dire qu’à Paris un homme bien chaussé est un homme « bien ».

— Mais, reprit-il, je ne sais pas encore s’il faut se spécialiser, pour être un voleur de quelque dignité. Quel genre de vol ? De la confection, ou du « sur mesure » ?

Il avait une bibliothéque, à la tête de son lit, laquelle comportait, entre autre merveilles, un dictionnaire français édité en 1845. Il le feuilleta hâtivement.

Au mot voleur, nulle indication ne pouvait fournir d’exacts renseignements sur les diverses voies pratiques dans lesquelles on peut ouvrir une firme de voleur. James-Athanase Sirup en fut fort gêné.

— Ce n’est pas tout, de certifier que je me fais voleur. Voleur de quoi, en quoi et comment ? Celui qui veut exercer un métier doit choisir parmi les modalités de ce métier. En tout cas, c’est bien décidé. À cette heure, mon parti est pris. Je suis un voleur.

Il avait fini de s’habiller et jeta un regard dans la chambre, vide, désespérément vide, qui allait pourtant lui manquer lorsqu’il en serait sorti. Soudain, une idée lui vint :

— Si je commençais par voler quelque chose tout de suite. Cela confirmerait de façon pratique les décisions prises.

Il chercha quelque objet à voler. Mais, en vérité, il n’y avait rien du tout en ses entours. Il était propriétaire légitime, sous les réserves légales, qui font des objets meublants la garantie du loyer, de tout ce qui subsistait ici. Pas grand’chose à vrai dire, hors le lit…