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Page:Renee-dunan-entre-deux-caresses-1927.djvu/124

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ENTRE DEUX CARESSES

pleurer toutes ses larmes en maudissant le sort… Mais c’est un plaisir certain que d’accepter le sentiment qui vous entoure… Un plaisir dont l’orgueil, bien entendu, fait la chaîne…

Il vit donc sans ennui le tourlourou aux plaisanteries centenaires et inusables, une magnifique chanteuse, à la voix rauque et puissante, qui poivrait d’ironie une histoire mi-pleurnicharde mi-grivoise, puis un diseur pareil à un garçon d’honneur de noce provinciale, gêné dans ses gants blancs. Il débitait avec des finesses acrobatiques et des intentions étonnantes, des couplets où Gautier Garguille se mariait à Jean-Baptiste Clément et la Marseillaise à Turlupin. C’était charmant.

Il y avait surtout cette chanteuse à la voix vaincue, une voix de laryngitique, qui sentait les rogommes infâmes des mastroquets pour voleurs, les nuits passées à la recherche d’un gîte, les brouillards Parisiens et les cabanes de la zone, une voix crapuleuse et féroce, d’une justesse parfaite, et qui trouvait des roucoulements de chatte heureuse pour invoquer l’amour. Cette femme gardait à la fois une attitude de vierge dévote, devant le public qui la couvrait d’une sorte de gloire âcre, et un rien de prostitué dans le coup de hanches, dans la complicité du regard en coin, dans le rire à gauche de la bouche et dans la crispation de longs bras voluptueux.

Mexme, sortant de ce concert, se sentit un ardent besoin de parler à une femme. Il gagna