Page:Renee Dunan La Culotte en jersey de soie 1923.djvu/104

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
104
LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

tes par des fanatiques dont je ne connaissais pas alors la race. Je voulais que les révoltés vrais fussent pauvres et ce n’est aucunement la règle, ni qu’ils soient eux-mêmes malheureux.

J’ai songé vous montrer ma pensée. C’est toujours délicat à définir une âme jeune et fraîche, sur laquelle n’ont passé la connaissance de l’argent ni la défiance des sottises mises au service des belles idées. Je pensai longtemps aux Ruelles, puis un jour je me dis :

Kate ! va voir comment c’est. Tu y gagneras au moins de ne plus en être hallucinée.

Y aller ! Comment ? La chose était peut-être impossible. Je sortais seule pour aller au Lycée. Mais l’allée me demandait cinq minutes et je ne pouvais pas en gagner dix. Au retour, si je n’avais été à la maison un quart d’heure après la sortie, en supposant que j’eusse causé longuement avec une autre rhétoricienne, on aurait mis la police à ma recherche. Je sortais parfois pour aller chez des amies, mais le téléphone me suivait. Impossible de trouver dans la suite du jour les trois quarts d’heures au moins qu’il me fallait pour visiter le quartier secret. Il me serait nécessaire d’inventer autre chose.

J’y pensai longtemps. La complication extrême ne me faisait point reculer, quoique j’eusse toujours l’amour des situations nettes et simples. Même la peur, chose curieuse, qui, au début de mes réflexions à ce sujet, me tenait assez pour être un frein efficace, disparut lentement. La raison est en ceci que bientôt la visite ou plutôt l’exploration des Ruelles me parut moins chose difficile et dangereuse que réussite charmante, tour de force valant en lui-même. Dès que la transformation fut faite en ce sens, rien ne me pouvait retenir. Il ne s’agissait plus dès lors de faire une chose scabreuse, mais de réaliser une sorte d’acrobatie très