Page:Renee Dunan La Culotte en jersey de soie 1923.djvu/114

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
114
LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

Le commerce était bien d’ailleurs celui qu’on pouvait attendre des Ruelles :

Des auberges et des hôtels avec une lanterne ventrue annonçant leur qualité. Une épicerie qui paraissait une forteresse avec ses vitrines nanties de choses étranges. On ne devait jamais vendre ici ces balais et ces assiettes ? Des demeures basses et tristes s’offrirent, dont le sol était à trois marches au-dessous du niveau de la rue. Je me dis : Voilà un quartier dont le pavage remonte peut-être à Louis XIV. Ces taudis sont en contre-bas. Ils existaient donc des siècles auparavant…

Ce qu’il avait pu mourir d’humains dans ces masures défiait l’imagination. Mille personnes peut-être avaient connu les affres de l’engloutissement dans chacune de ces misérables tanières. La mort semblait s’y respirer.

Je marchais toujours. Des gens sortaient à mon passage, mines livides et inertes quand ils étaient vieux, faces crapuleuses, quand ils étaient jeunes, figures pustuleuses et rongées, quand ils étaient enfants. J’entendis des paroles admiratives, méprisantes ou incompréhensibles provoquées par mon passage… Mais rien ne me révéla le peuple orgueilleux et révolté, bondé d’énergies et de violences virtuelles que je venais chercher. Les gosses étaient singulièrement vicieux toutefois. J’en vis qui tendaient une corde à sauter pour me faire tomber et l’un d’eux me jeta au passage je ne sais quoi. Je sus l’éviter.

La nuit venait cette fois rapidement. Je ne voulais pas rebrousser chemin tout de suite car, en somme, j’étais sur place. Il ne me serait pas utile sans doute de renouveler mon voyage pour connaître les Ruelles et il fallait tout voir ce soir. Je persistai. Une voie un peu plus remuante apparut. Des gens qui conversent entre eux avec des voix rauques. Je devine que ce sont les ouvriers des