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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

métiers sans gloire : les équarrisseurs ou les chiffonniers. L’odeur est d’ailleurs abjecte. À certain moment un homme à face avinée se tourne pour m’enlacer comme je passe. Mais j’ai des yeux partout. Je l’évite et je l’entends rire par saccades.

Une rue encore. À droite et à gauche des espèces de passages d’où descendent des ruisseaux gluants et noirs. J’entends des enfants qui piaillent et des grosses voix qui prononcent des injures.

Une immense bâtisse en bois, haute de quarante mètres, profonde du double et aussi large me retient soudain. C’est grand ouvert et une lampe éclaire à l’intérieur des carrioles préhistoriques, des voitures à bras et des véhicules démantibulés de tout ordre. Le toit, percé en mille endroits, laisse voir le ciel. Je me demande ce qu’est cet étonnant monument qui réclama des constructeurs d’une si merveilleuse habileté. Une bâtisse de cette envergure, en bois et en torchis, est une façon de chef-d’œuvre. Mais je me souviens alors qu’il y a sur le plan une rue du Jeu de Paume. Je n’avais pas l’intention d’y passer et j’ai dévié de ma route. C’est cela le jeu de Paume. On faisait des choses curieuses en cet ancien régime ! Que, laissé à l’abandon, réceptacle de véhicules à vendre au stère comme bois à brûler, refuge certainement de gens sans aveu et sans domicile, ce bâtiment ait subsisté deux siècles, voilà qui est remarquable !

Je m’éloigne à regret de cet étrange carcasse. Encore une rue vide avec de hauts murs. Au milieu est une porte vernie, garnie de pointes aiguës d’un pied. Puis, subitement, je me trouve dans une sorte de corridor qui termine en voûte. Je ne vois plus le jour de l’autre côté… Cette fois, je m’arrête. Que faire ? Où vais-je tomber par cette espèce de cul de sac. Pas un bruit ne vient à moi. Mais l’avilissement de la population que j’imaginais capable de faire trembler les bourgeois, comme il