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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

ves débats judiciaires. Pourtant ils ne doutaient pas d’échapper à dame justice. Ce n’est pas que leur philosophie leur ait fait interpréter le traditionnel bandeau de Thémis, mais simplement parce que la condamnation des gens de leur classe sociale ne saurait les émouvoir. L’homme est un animal vaniteux. Il se juge plus fort que ses frères de métier ou de caste. Il est donc convaincu d’échapper là où succomba son pareil.

Mais il ne se croit pas plus intelligent que le député, le ministre, le banquier ou le puissant capitaine d’industrie qui le dominent. Donc, si l’atteinte de ses pareils ne le convainc point de la puissance de la loi ni de la valeur absolue des principes qu’elle défend ; qu’on condamne un personnage de l’élite, et notre homme deviendra prudent. Le pauvre bougre de la plèbe anonyme sent, s’il fait quelque gaffe, un danger d’autant plus certain sur la tête que de plus puissants n’ont pu y échapper. Alors il s’empresse d’être honnête.

On n’est honnête que dans les sociétés où les peines vont croissant en poids et en nocivité selon les rangs sociaux. Leur action n’est efficace que par cette progression. Elle fut d’ailleurs toujours contraire au principe dominant des civilisations latines qui est : Les Loups — entendez les maîtres — ne se mangent pas entre eux.

— Ton idée est juste et il faudrait en venir à respecter comme plus équitable la justice du cadi turc ou du pacha. Car chacun sait par toutes les littératures asiatiques que les seuls faits dont, en Orient, on garde mémoire, sont les condamnations de grands personnages.

— Aussi remplacerais-je très volontiers la justice traditionnelle de France par celle du Khan de Bokhara. J’ai connu ce potentat qui n’avait pas une excessive pitié pour ceux qu’il faisait jeter