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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

car je n’ai jamais soupçonné un vice sexuel chez les quelque milliers d’élèves que j’ai vu vivre.

— Il y en eut peut-être tout de même ?

— C’est entendu. Mais enfin, il faut dire ce qui est. Je ne pense pas que les lycées soient plus débauchés que les écoles de nonnes. Il faut la mauvaise foi des cagots pour le dire. Je ne juge pas du tout que mon couvent, un des plus importants de la France, ait connu une vertu qui manquerait ailleurs. La conclusion s’impose donc…

Pour ma part, je ne crois à rien de ce que racontent tant de bouquins. Pas plus à tous ces tempéraments de fillettes n’ayant point quatorze ans, qui rêveraient déjà d’étreintes et d’amours subtiles comme en glosait le fameux auteur du Dodekatéchnon grec.

Seule la femme des grandes villes prétend qu’on la distingue par la connaissance du plaisir. Tout cela en chiqué, d’ailleurs et n’est qu’un prestige voulu. Au couvent, combien de camarades allaient ensemble se cacher dans les massifs de nos vastes jardins. Certaines de nous venaient encore causer le soir avec la religieuse qui surveillait le dortoir. Elle jouissait d’un coin à courtines, de sorte que nous autres ne voyions rien de ce qui se passait dans ce lit aux rideaux retombés sur la « visiteuse ». J’y fus, moi aussi, et je constatai qu’on faisait ainsi, et tout bonnement, des enquêtes sur divers sujets : votre famille, la dévotion qu’on éprouve et le grand problème de savoir si on voudrait entrer dans les Ordres. C’était en somme un petit espionnage habile et une combinaison pour bien lire en vos secrètes pensées. Les religieuses des dortoirs faisaient ensuite des rapports sur ce qu’elles avaient pu apprendre. L’imbécile d’homme, qui saurait cela, comme je le dis, sans qu’il lui en fut donné la clef, croirait à des débauches saphiques effrayantes. Quelle blague !