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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

Cela se passait aux vacances de ma dix-septième année, lorsque je sortis du couvent.

Lucienne Biquerine était du même âge à deux mois près.

Nos parents se connaissent beaucoup. Mon père était intéressé en qualité d’ingénieur-major aux fameuses exploitations de chaux et ciments que l’on voit se dérouler au bord du Rhône avant d’arriver à Avignon et qui occupent huit mille ouvriers. Vous avez remarqué du train ces bâtisses d’une blancheur aveuglante vers lesquelles la voie ferrée jette une multitude d’embranchements. C’est la société Jacob de Louptière et Cie. Ils se nomment Jacob simplement, de leur nom de famille. Mais le village le plus voisin est la Louptière. C’est mon arrière grand’père qui découvrit cette série de mamelons de chaux pure. Il en tira quelque fortune et fut ensuite ruiné durant la révolution. Il était parfaitement royaliste, mais pas assez papiste. Or, cette terre avait à verser au légat des droits seigneuriaux d’une extrême complication. Il refusa après 1790 d’effectuer ces paiements, et, en 1798, fut condamné si lourdement qu’il en mourut.

Les Jacob avec, l’autorisation de son fils recommencèrent l’exploitation, puis ce fut une lutte désormais entre les descendants de cette famille de juifs du Comtat Venaissin et mes aïeux. Ceux-ci furent presque spoliés mais ils gardaient des droits sur les terrains où les usines furent bâties, car il fallut bien édifier les fours ailleurs que sur les collines où l’on travaillait à la dynamite.

Nous nous en tirâmes. Par chance, mes parents étaient fort intelligents.

C’est ainsi que nous devînmes de père en fils les ingénieurs en chef des Usines, mais nous renoncions à plaider les fondements de la propriété. Les Biquerine, parents de Lucienne, qui par-