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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

Elle rage, silencieuse, parcourant avec souci les quatre mètres de notre protection, hors lesquels la pluie ruisselle toujours.

Elle revient à moi qui ne bouge pas — j’ai neuf heures à tirer et ne veux point gaspiller mes forces — et elle rit :

— Allons, la gosse, t’en fais pas. Tu vas bien en nettoyer un à ton tour.

Elle se penche vers mon oreille et chuchote :

— Je viens de refaire le mien de cinq livres. Un grand fafe. S’il s’en aperçoit et me cavale après il va me sauter ici. C’est moche d’y être collée. Si j’avais de la monnaie je prendrais un taxi. Je te donnerais même un petit talbin, la gosse, pour que le tien ne t’en mette pas plein ta gentille gueule. Mais nib ! Raide ! en dehors du demi sac !

On entend du bruit dans la rue du Helder. Elle écoute, la figure tendue et farouche.

— Zut ! Adieu, gosse. Je les mets !

Elle relève ses jupes sur sa tête comme font les campagnardes et s’élance. Elle court comme une biche. Quand elle disparaît, de la rue du Helder, sortent trois hommes à parapluies. L’un d’eux crie :

— C’est elle, je reconnais ses bas blancs. Avez-vous vu. Elle a des bas blancs, celle qui se trotte là-bas !

Sans s’occuper de moi qui fais corps avec la façade, juste à l’enfoncement d’une porte, tous trois s’élancent sur les traces de la fuyarde. Je pensai :

Pourvu qu’ils ne l’attrapent pas !…

La pluie tombe toujours. Un quart d’heure passe. Je me sens faible et lasse. Ah ! quoi ne consentirais-je pas pour trouver un lit ?

Un homme apparaît à droite et se jette sous la marquise. D’abord il ne me voit pas. Il grogne seul en faisant de grands gestes. Puis, il me découvre.