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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

Je le vois porter deux doigts à sa bouche et en tirer de nouveau un son aigu et roulé.

— Allons, marche ! me dit-il.

Affolée, je me mets à courir devant moi, comme tout à l’heure je fuyais mon agresseur en quittant le Boulevard Haussmann.

Mais à peine ais-je fait trente mètres que deux hommes en casquettes semblent surgir du pavé. Ils m’arrêtent net.

— Alors ! on veut se débiner, grasseye l’un. C’est tarte ça !…

Devant moi je vois d’autres silhouettes s’approcher en chaloupant. Il y a des femmes. Ils sont bientôt sept. Je suis entourée. Cette bande me dévisage avec curiosité.

— Allons les poteaux, restons pas ici, dit celui qui m’a pourchassée. Descendons un peu.

— Gy ! dit un autre.

Encadrée et surveillée je marche au milieu de ces gens. Ils parlent peu et semblent ne s’étonner de rien. Je fouille ma tête pour y trouver quelque chose à dire ou à faire. Je me sens vide et vaincue. Personne ne s’occupe de moi.

Deux, trois rues sont dépassées. On dirait que la vie de Paris se retire devant mes compagnons. Je les regarde à la dérobée. Sauf un seul, ils sont jeunes. Les faces sont pourtant tarées. Presque toutes portent des rides profondes taillant le front. Les bouches tombent et les pommettes saillent étrangement.

Les femmes sont trois. Deux apparaissent âgées et lourdes. Sous des tignasses massives les yeux ont la viduité et l’inexpression de certains regards animaux. La dernière est très belle. Blonde et cambrée, elle marche en reine. Le nez est droit et mince. Un maquillage infâme ne parvient pas à enlever le charme de cet ovale parfait de visage. Ses seins sont libres dans un corsage collant de