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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

soie mince. Par ce temps froid c’est à geler… Elle à l’air heureux de présenter cette poitrine tendue. Ses chaussures jaunes à talons hauts lui font un pas orgueilleux et lent tandis que sous la jupe courte les mollets se raidissent dans des bas de soie rouge.

À chaque bec de gaz j’étudie de plus près mon escorte. Je vois que les hommes sont tous attirés par la femme belle et blonde. En dessous, ils guignent ses seins et les jambes que chaque pas fait bomber dans la soie. Je ne puis deviner si le maître de cette bête admirable et dangereuse est ici. Non ! Ils sont tous trop déférents.

J’entrevois au bout d’une rue l’ombre vaste qui doit être le square Montholon. Nous sommes proches du Petit Journal. Ce n’est pas, j’imagine, un lieu dangereux pour moi. Je craignais d’être emmenée vers la Villette ou dans les rues louches et la Cour des Miracles du Quartier de la Goutte d’Or.

Soudain un des hommes s’arrête :

— C’est pas tout ça ! je prends la môme — il me désigne — elle me revient.

Un froid me passe le long de l’échine.

La femme aux bas de soie rouge dit :

— Tirez-la au sort entre vous deux, Bombé et toi, Biskra. Ce sera juste.

Bombé, c’est celui qui m’a suivi depuis la rue des Martyrs. Il s’avance et me met la main sur l’épaule.

— La gironde à mézig. Pas de tirage au sort ni de flanche pour ça. Elle est… à… moi…

Celui qui a parlé le premier hausse les épaules :

— Je ne marche pas. Toi, tu as la Guincheuse, moi je suis veuf. C’est moi qui l’emmène. Ça se fait comme ça.

Une femme âgée dit avec une crainte visible de cette discussion :