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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

une sportive… Je suis partie comme une balle. Je sens que le sol fuit sous mes pieds. La pente m’aide puissamment. J’ai gagné le trottoir et j’entends la succession de mes prises de contact avec le sol. Cela fait un rythme pressé et martelé, puis je suis emportée par ma course. Je ne m’entends plus et je regarde le square Montholon venir vertigineusement à moi…

Derrière, aucun bruit… J’arrive au square, je suis presque dans la rue Lafayette. Le souffle va me manquer et je chancelle sur un rail de tramway. Je ralentis. D’un geste, je me retourne. Je suis devant la pente parcourue. À mi-route une femme arrêtée parle à un homme qui la suit de loin. Je ne vois plus le lieu de la bataille ni les autres acteurs. Comme tout cela est déjà loin ! Je suis en sûreté ! Ce que c’est que de savoir courir… Je prends la rue Lafayette et la suis vite pour calmer mon cœur qui saute.

Deux agents cyclistes passent au ras du trottoir et me regardent en ralentissant. Je baisse les yeux et continue à me hâter. Ils me dépassent lentement, puis s’en vont…

Et j’entends sonner cinq heures…

Me voici de nouveau dans le faubourg Montmartre. Cette fois je ne dois plus rien craindre. Les femmes chic sont rentrées. Il ne reste que de petites rôdeuses, la plupart, sans doute, dépourvues, comme moi, de domicile.

Ma dernière aventure m’a donné un courage qui me manquait auparavant. Je marche la tête levée. Il y a beaucoup de femmes en cheveux.

J’ai faim, une faim violente que je découvre comme si elle sortait d’un coin oublié de ma conscience.

À la descente d’un trottoir, un jeune homme, correct et gracieux, la figure fanée pourtant, avec