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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

cette fois où prendre. Je recommence les gestes. Encore deux montées et ma tête émerge sur le faîte. Appuyée du ventre au menton sur le mur, je tâte pour savoir s’il y a des culs de bouteilles. Il n’y a rien. Une pierre massive m’offre une prise excellente. Je l’empoigne et me rétablis dessus. Me voici assise, les mains écorchées, avec une exécrable sensation de gravier dans mon corsage, sur la peau. C’était le mortier délavé uni coulait sur moi durant ma montée. Mais je suis sauvée sans doute…

Soudain j’aperçois la fenêtre du cabinet de Tallurac. Elle est vide. L’homme a sauté lui aussi, il me court après… Un frisson bizarre me saisit et une peur désordonnée que je ne puis maîtriser. Je crois entendre des pas dans l’allée au-dessous du lieu où je me tiens. Je perds tout contrôle sur moi. Une sorte de tournoiement se fait dans ma tête. Je voudrais me dominer, mais encore une fois un bruit résonne très près. Il me semble que des mains empoignent mes chevilles. Je me retourne d’un effort violent, je m’écorche, ce faisant, les jambes à crier, puis me sentant du côté l’on n’est plus chez Tallurac je saute, au hasard…

Cette fois c’était très haut et j’ai pris, bêtement, mon élan sur les paumes. Je me reçois mal. Ma jambe gauche porte tout et je culbute dans les herbes avec le sentiment que je me suis cassé le tibia. Une douleur violente me tient du genou à la cheville. Je sens une immense peine m’envahir et pense désespérément : J’ai la jambe cassée…

La nuit m’enveloppe. Le silence est complet. Il est si total qu’il paraît receler une menaçante présence…

Une terreur irraisonnée et croissante me tient. Mes dents battent. Je voudrais me reprendre, car je suis, cette fois, incapable de défense.